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01

L’usine de rivière

Can Sanglas

En 1841, après la destruction provoquée par l’assaut carliste de Manlleu, le négociant Martí Sanglas Pradell acquiert une concession des eaux pour construire une filature de coton (l’usine actuelle). C’est le début de l’industrie moderne à Manlleu et par extension, dans le bassin du Ter.

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Du canal d’irrigation au canal industriel

Les avantages que présentait l’utilisation de l’énergie hydraulique ont favorisé la construction d’usines le long du Ter. Déjà en 1829, l’ancien canal du moulin de « Dalt » (en amont) de Manlleu alimentait une usine de coton. À partir de 1841, la demande croissante en eau à usage industriel fera que ce canal devienne le premier canal industriel de Catalogne.

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Les villages fluviaux

Grâce à la force de l’eau, Manlleu, Roda de Ter, Sant Hipòlit et Torelló prennent la relève d’anciens centres manufacturiers comme Vic et Centelles, qui manquaient d’énergie hydraulique et ont donc connu un processus inévitable de décadence économique jusqu’au début du XXe siècle, époque à laquelle l’utilisation de l’énergie électrique s’est généralisée.

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De la roue hydraulique à la turbine

La roue hydraulique

Au fil du temps, l’impulsion produite par les débits d’eau s’est vue transformée en énergie mécanique grâce à l’utilisation de roues hydrauliques. Ce convertisseur a mis en mouvement des moulins à blé, à grain et à huile, des papeteries, des fouleries, des forges et des scieries préindustrielles.

La turbine

La turbine a multiplié le rendement de la force hydraulique. Si l’on pouvait obtenir une force maximum de 25 % de la capacité du barrage avec l’ancienne roue, la turbine permettait d’en obtenir jusqu’à 85 %. En Catalogne, les premières turbines étaient installées selon le système Fontaine, un modèle qui s’adaptait au débit irrégulier des rivières méditerranéennes. Elles étaient fabriquées par l’entreprise Planas de Gérone. À Manlleu, elles ont été installées dans de nombreuses usines dès les années 1860.

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Le canal, levier du progrès industriel de Manlleu

Le canal industriel a rendu possible l’utilisation intensive de l’énergie hydraulique. Consolidé au fur et à mesure des transformations et des agrandissements successifs, il alimentait, déjà en 1848, sept usines de filature.

Les Trois Usines, l’origine du canal industriel

Après la destruction du moulin à farine de Miarons, lorsque Manlleu fut incendiée par les carlistes en 1839, un fabricant de Vic du nom de Rafael Puget, qui exploitait déjà l’usine de « Can Barola », acquit des terrains et la concession des eaux auprès du propriétaire du moulin, Francesc Mitjavila. Puget et ses associés, Antoni Baixeras de Vic et Salvador Juncadella, de Barcelone, construisirent non pas une mais trois usines sur la partie finale de la rue Vendrell.

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L’alternateur

L’installation d’une dynamo sur l’axe de rotation des turbines permit alors la production de fluide électrique. Dès le début du nouveau siècle, l’eau rivalisait une nouvelle fois avec le charbon, désormais sous forme d’électricité.

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Avant l’usine

En Catalogne, le travail manufacturier est fort d’une longue tradition. La laine, le lin ou le chanvre y étaient manipulés depuis longtemps comme produits textiles basiques. Au travail des corporations professionnelles dans les villages et les villes vient s’ajouter, tout au long du XVIIIe siècle, une importante activité domestique rurale dans la Principauté, à Osona par exemple, contrôlée par des cardeurs et des commerçants.

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Le cardeur. Un fabricant sans usine

Ce commerçant était chargé de transporter la laine aux petits ateliers et ouvriers domestiques et venait la récupérer une fois tissée. Bien souvent, il vendait les tissus sur les marchés très éloignés à travers un réseau de commerçants spécialisés. Le cardeur précède donc le fabricant de coton et introduit, avant l’irruption du système d’usine, des changements substantiels dans l’organisation du travail.

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Filer à domicile

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, filer dans le cadre domestique constituait un complément économique important pour beaucoup de foyers paysans de nos alentours. Avant l’irruption des premières machines manuelles, la filature était un travail essentiellement féminin.

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L’usine

L’usine, dans le sens d’un bâtiment où se trouve concentré le processus de production, n’apparaît sur le Ter qu’à partir du premier tiers du XIXe siècle. C’est à cette époque que l’entrepreneur moderne remplace l’ancien cardeur, au moment même où le besoin d’augmenter le capital fixe apparaît comme une nécessité. Vers 1802, il existait à Manlleu trois usines de coton qui utilisaient des machines manuelles en bois. En 1816, leur chiffre passait à six.

La concentration du travail dans les usines permit au fabricant de réduire les coûts salariaux et de transport et supposa de même une augmentation de la productivité, grâce notamment à l’utilisation de machines qui, peu après, fonctionneraient à l’énergie hydraulique. Vers 1860, l’usine de rivière, notamment sur le Llobregat et le Ter, devient protagoniste de l’industrialisation catalane.

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Avant des paysans et des artisans, désormais des ouvriers

Le nouveau système d’usine conduit à une détérioration des conditions de vie des ouvriers durant des décennies. Avec le travail en série et la spécialisation, le travailleur perd son autonomie et devient un salarié. Les longues et dures journées de travail transformeront le concept même du temps, désormais dicté par la nouvelle discipline productive.

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Le roi coton

Concernant les vêtements, le coton a rapidement détrôné les autres fibres textiles. Les avantages qu’il offrait étaient évidents : une plus grande facilité de manipulation et de teinture, le faible coût de la matière première et des conditions hygiéniques et sanitaires optimales puisqu’il maintient la température du corps et facilite la transpiration. Pour toutes ces raisons, sa mécanisation, dominante durant les décennies du milieu du XIXe siècle, a devancé celles de la laine.

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Une fibre qui vient de loin

Le cotonnier est une plante typique des climats subtropicaux. Au XVIIIe siècle, les tissus estampés en coton provenaient du Proche-Orient ou de l’Inde. À partir de 1790, lorsque la Catalogne adopta la filature, une grande partie du coton en rame était importé du sud des États-Unis et d’Égypte.

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La machine, imparable

La mécanisation a transformé l’économie du monde et a entraîné une augmentation spectaculaire de la capacité productive

L’usine se caractérise par la concentration de machines et de travailleurs. Une véritable révolution productive aura lieu au sein des nouveaux espaces manufacturiers. Tout d’abord, grâce aux machines manuelles du type de la Jenny anglaise, comme la Bergadana. Plus tard, avec l’énergie hydraulique, grâce à la Water Frame, à la Mule-Jenny et à la Selfactina. Hommes et femmes se partageront les travaux productifs, ces dernières percevant un salaire très inférieur.

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Carde Serra

Le coton torsadé était démêlé à l’aide du rouleau et des palettes de cardage. La compression de la nappe permettait de donner une forme de ruban au voile de coton en circulaire à travers deux rouleaux de sortie. Ensuite, il passait au banc d’étirage et à la mécheuse.

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Mécheuse Serra

La bande qui sortait du banc d’étirage passait ensuite aux mécheuses. La bande transformée en mèche recevait une légère torsion. L’objectif de cette étape était de pouvoir déposer les fibres de sorte à les étirer sans difficultés.

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Si une Mule-Jenny produisait environ 585 kg de fil par an, une Selfactina arrivait à 810 kg. La fileuse en continu, à la fin du XIXe siècle, atteignait les 1 620 kg, c’est-à-dire le double.

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La filature

Le processus central, en ce qui concerne le coton se déroule pendant la filature. Les machines à filer occupent la plupart des employés et marquent les dimensions de l’usine. À partir de 1885, la fileuse en continu finit par s’imposer sur le reste des machines à filer, justement du fait de son travail continu, c’est-à-dire, la simultanéité de l’étirage et de la torsion.

Au XIXe siècle, les hommes et les femmes se partageaient le travail de filature, surtout lorsqu’il était réalisé avec une Mule-Jenny, une Bergadana et une Selfactina. L’irruption massive des fileuses en continu à la fin du siècle entraîna une augmentation importante de la main d’œuvre féminine, beaucoup moins bien payée que la main d’œuvre masculine, ce qui provoqua un grand conflit social dans la vallée du Ter.

Lorsqu’il sort de la fileuse en continu, le fil est manipulé à travers une série de machines en fonction de l’utilisation que l’on veut lui attribuer - pour le tissu, la teinture, la fabrication de cordes, etc.

Fileuse en continu Costa & Serra

À la différence de la Selfactina, dont le processus de filature se faisait en deux temps, la fileuse en continu obtient un fil continu à travers le groupe d’étirement et donne une nouvelle torsion au fil.

La fileuse en continu Costa i Serra a été fabriquée à Manlleu en 1907.

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Bobinoir de torsion

Pour obtenir un fil plus résistant, deux ou trois cordages peuvent être réunis. Ils doivent d’abord être joints dans une plieuse et, une fois réunis en parallèle, la fileuse en continu de torsion les entortille.

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Machine de remplissage des bobines

Pendant le processus de l’obtention du brin jusqu’à celle du tissu, le fil change de support plusieurs fois selon son usage: pour teindre, ourdir, tisser, transporter, etc. Cette machine permettait de changer le support du fil, qui passait de l’écheveau à la bobine pour aller à la chaîne.

Presse d’écheveaux

Une autre option consistait à faire des écheveaux à partir du fil obtenu lors de la filature. La presse unissait sous forme d’écheveaux une quantité considérable de fuseaux. Avant la modernisation des teintes, le fil était teint sous forme d’écheveaux à l’aide du système traditionnel d’immersion.

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Entrepreneurs

L’entrepreneur devait investir du capital dans l’usine et constamment améliorer les machines afin d’augmenter la production et vendre moins cher. Les risques que comportait cette aventure amenèrent beaucoup d’entre eux à coopérer et le meilleur exemple de cette coopération est l’aboutissement du projet collectif du canal industriel. Par ailleurs, l’existence d’une énergie abondante et bon marché, des salaires bas et un conflit social atténué poussèrent d’autres capitalistes de Barcelone et de Vic à s’établir à Manlleu.

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La concentration capitaliste

La période entre 1850 et 1875 est marquée par un processus rapide de concentration industrielle ; le nombre de fabricants enregistrés à Manlleu ne cesse de diminuer, alors que la richesse de ceux qui survivent augmente considérablement. Ces derniers créent alors des compagnies qui évincent rapidement les petits fabricants. Souvent, ces derniers deviennent alors de simples travailleurs et le travail à domicile, qui était alors limité au processus de tissage, devient résiduel.

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Le charbon et la voie ferrée

L’utilisation intensive de l’eau fut, pour la machine à vapeur, l’alternative au manque de charbon que connaissait la Catalogne. Le coût de la houille du Pays de Galles et d’Angleterre était élevé si l’on comptait son transport vers l’intérieur de la Catalogne. La rareté du charbon autochtone fit naître des espoirs quant à la houille de Surroca et d’Ogassa. Pour la transporter, une voie ferrée entre Granollers et Sant Joan de les Abadesses fut construite fin 1880. Bien que ce charbon ne répondît pas aux attentes, en raison de son coût d’extraction élevé et sa qualité médiocre, le train favorisa néanmoins l’expansion textile du moyen et du haut Ter en améliorant le transport du coton, des tissus et des marchandises.

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Croissance démographique et urbaine

Le travail en usine attira de nombreux travailleurs des villages voisins, notamment des régions du Lluçanès et de Collsacabra. Manlleu passa de 1991 habitants à 5823 entre 1842 et 1900.

Afin d’accueillir les nouveaux venus qui recherchaient un travail dans le bourg, le nombre de logements de type appartement se multiplia et la population se déplaça vers les rues qui s’ouvraient sur le Ter. En 1883 la physionomie de Manlleu était déjà très urbaine malgré le poids encore important de l’agriculture.

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La turbine, le cœur de l’usine

Les turbines hydrauliques étaient les engins utilisés pour obtenir l’énergie nécessaire au fonctionnement des machines de filature, puis plus tard à la production de l’électricité. Ces turbines remplacèrent les roues hydrauliques traditionnellement utilisées jusque bien entamé le XIXe siècle.

Une des premières turbines hydrauliques du bassin du Ter a été installée à Can Sanglas vers 1860 : une turbine « got-a-perxes » de type Fontaine qui fournissait une puissance de 12 CV, fabriquée par l’entreprise de Gérone Planas, Junoy, Barné & Cia. Les inondations de 1940 détériorèrent le canal d’entrée et la turbine est restée à l’arrêt jusqu’à sa restauration en 2007, après une tentative de mise en marche en 1963. Actuellement, elle fonctionne à des fins de démonstration et éducatives.

La turbine faisait fonctionner, grâce aux mécanismes de transmission, la machinerie située sur les deux étages de l’usine.

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La turbine Fontaine

La turbine Fontaine, d’origine française et également appelée « got-a-perxes » est une turbine adaptée aux rivières de régime méditerranéen irrégulières. Elle est dotée d’un système de régulation qui adapte l’arrivée de l’eau selon les fluctuations du débit. Du fait de son fonctionnement, la turbine doit maintenir une pression constante et donc, un volume d’eau constant. De cette façon, le mécanisme permet, selon le volume d’eau disponible, d’ouvrir ou de fermer le passage de l’eau dans les aubes (1) à l’aide de cylindres (2) qui en tournant enroulent ou déroulent un ruban en cuir (3), qui bloque ou libère le débit de l’eau.

Ces turbines, fabriquées sur mesure par l’entreprise géronaise Planas, Junoy, Barné & Cia. entre 1855 et 1918, ont rendu possible la mécanisation de l’industrie du coton à partir du modèle d’usine de rivière et de colonie industrielle, aussi bien sur le Ter que sur le Llobregat.

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Les mécanismes de transmission, ou système nerveux de l’usine

La force de l’eau était transmise de la turbine aux machines de l’usine grâce à un ingénieux système de transmission mécanique également appelé embarrat. Chaque usine possédait ses propres mécanismes de transmission, qui pouvaient être d’une grande complexité ou au contraire extrêmement simple. Dans tous les cas, ils reflétaient l’ingéniosité des techniciens et des mécaniciens des usines. Leur fonctionnement et leur maintenance simples étaient confiés au chargé de turbine et au graisseur. Le fonctionnement de l’usine dépendait de leur travail.

Lors de la récupération du patrimoine industriel, les mécanismes de transmission ont été peu sollicités, contrairement aux machines qui recevaient leur force, et bon nombre d’entre eux ont disparu avec l’arrivée de l’électricité et l’application aux machines de moteurs alimentés par l’électricité.

Nous ajoutons un glossaire de termes relatifs au système de transmission mécanique. Vous trouverez la plupart de ces termes représentés dans notre mécanisme de transmission. Ce glossaire n’est pas exhaustif et d’autres termes peuvent sans doute être ajoutés. D’autre part, il recueille des appellations de type local.

Embarrat - Mécanisme de transmission (1)

Dans un mécanisme, il s’agit de la pièce en forme de barre qui tourne et supporte les contraintes, partielles de torsion et les contraintes éventuelles de flexion. L’orifice hémisphérique qui se trouve sur les axes et est destiné à fixer une poulie ou une roue dentée sur un arbre à l’aide d’un tirefond s’appelle cul de got.

Arbre (2)

Il s’agit de l’axe vertical et principal de l’ensemble du mécanisme de transmission.

Poulie (3)

Cylindre de faible diamètre qui tourne autour d’un axe concentrique avec son axe géométrique. La poulie dite folle ou morteest celle qui tourne indépendamment de l’axe sur lequel elle est montée. La poulie fixe. tourne solidairement avec l’axe. La partie centrale de la poulie qui est fixée par pression directement sur les arbres/axes s’appelle le bouton de la poulie La forme légèrement courbée du profil externe des poulies s’appelle le «dos d’âne» (esquena d’ase).

Dau - Logement du mécanisme (4)

Ensemble comprenant la carcasse et le palier du mécanisme de transmission. Le palier est la pièce en métal ou en bois sur laquelle repose directement un arbre ou axe de rotation, un rail, etc. Actuellement, les paliers sont à billes ou à roues, pour une maintenance plus simple. Autrefois, il s’agissait d’un des points les plus sensibles des usines. Une lubrification insuffisante pouvait provoquer une panne appelée enfarregat. Parmi les dispositifs prévus pour le graissage continu des paliers, il y avait un petit réservoir en verre ou métallique appelé xatel qui était régulièrement rempli et vidangé. Les usines consommaient une grande quantité d’huile chaque jour.

Dineret - Support de la turbine (5)

Palier de support axial dont la surface de friction a une forme circulaire et supporte la roue de la turbine et l'arbre de transmission.

Cadireta - Moyeu (6)

Pièce en fer qui sert de support au logement du mécanisme de transmission ou de l’axe de transmission. Le trau colís est une fente réalisée sur les moyeux pour centrer le mécanisme de transmission dans sa position adéquate de travail.

Reenvio - Renvoi (7)

C'est ainsi que les techniciens des usines désignaient l’ensemble des poulies et des courroies qui permettaient de modifier le sens du mouvement des mécanismes de transmission.

Pignon d’angle (8)

Ensemble de deux pignons généralement engrenés à 90º. Les dents du pignons sont les pièces permettant d’engrener les roues. Elles peuvent être en métal, en fonte ou en bois.

Courroie (9)

Bande ou ruban en cuir ou d’un matériau similaire. Nous appelons courroie sans fin une courroie dont les deux extrémités sont unies et qui passe par deux poulies, deux cylindres ou deux cônes, permettant de transmettre le mouvement de l’un à l’autre. L’afuat consiste à affiner les pointes de la courroie afin d’assurer un bon encollage. La colle utilisée était appelée colle de cheval.

Mànega - Levier (10)

Pièce servant à assembler l’axe d’un mécanisme de transmission. Assembler (manegar)) est l'action de fixer sur l’arbre ou l’axe une poulie ou une roue dentée, normalement par pression.

Embrayage (11)

Système mécanique de friction qui relie deux secteurs de la transmission des mécanismes de transmission. La « grenade » de connexion est un engrenage plat denté. Elle servait habituellement à connecter la turbine à la machine à vapeur.

Roues dentées (12)

Pignon de transmission plate de 0º à 90º. Engrener est l’action d’approcher deux roues dentées pour optimiser la transmission.

Vis sans fin (13)

Pignon de changement de sens de 90º de transmission avec grande réduction de vitesse.

Clavette (14)

Pièce utilisée pour unir aux arbres ou axes les roues dentées, roues d’angle ou poulies. L’entaille est la fente ou la clavette est introduite. Le nez de la clavette est la partie extérieure qui permet de la débloquer.

Les pièces d’origine de cet ensemble exposé au Musée Industriel du Ter proviennent de différentes installations industrielles: du moulin Miarons (Manlleu), du moulin d’en Saleta (Masies de Voltregà) et de l’usine de laine de Martinet (Cerdagne).

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Un patrimoine récupéré : l’usine de laine en montagne

L’usine Vilarrubla de Martinet, en Cerdagne, était dotée de cet ensemble de cardes construites en 1875 dans la ville française de Reims. Le Musée Industriel du Ter a récupéré et restauré ce patrimoine si caractéristique de la manufacture rurale.

L’usine se consacrait à la production d’écheveaux de laine utilisés dans l’élaboration de pulls et de tapisseries.

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Il y a deux facteurs qui expliquent l’existence de cette industrie en montagne: la proximité de la matière première et la demande de produits en laine de qualité. Dotées des ressources élémentaires (la laine et l’eau comme source d’énergie, au moyen de roues hydrauliques), ces usines de montagne ont survécu jusqu’à nos jours, parallèlement aux manufactures urbaines et fluviales.

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La laine provenant des troupeaux des régions montagneuses arrive à l’usine sale et remplie d’impuretés. Il faut donc la laver. Une fois séchée sur des espaces adéquats, elle passe à « l’ouvreuse », où la fibre est secouée et ouverte, pour aller ensuite sur le « diable », où la laine est divisée et épongée. De là, elle est conduite vers les trois processus de cardage. Lorsqu’elle sort méchée de la carde, la fibre de laine est prête à passer à la Selfactina, où elle est transformée en fil.

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Cohabiter avec le risque

Trop souvent, le travail dans les usines sur les berges de rivière comportait un risque considérable, en raison du travail sur les machines, des éventuels incendies ou des inondations périodiques. Les ouvriers étaient les travailleurs les plus exposés à ces dangers.

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Les dents de la machine

La mécanisation dans les usines a supposé un nouveau rapport entre l’homme et la machine. La grande quantité de courroies, de poulies et de pignons à découvert et le travail sur les « diables » et les machines à carder, couvertes de pointes en mouvement, ainsi que des journées de travail épuisantes et une abondante main d’œuvre infantile étaient la cause de nombreux accidents et mutilations

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Quand la rivière monte

Parfois, la rivière connaît des crues violentes. C’est alors que les villages riverains et les usines qui utilisent son énergie se voient secoués par un débit incontrôlé.

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Le feu à l’usine!

De temps en temps, le feu menaçait l’existence des usines textiles. L’accumulation de bourre, de matière première et de fil élaboré et l’existence de nombreux éléments construits en bois constituaient un danger constant que venait aggraver le réchauffement des poulies, des courroies et des moteurs ou encore l’étincelle produite par les pointes des cardes ou une cigarette.

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De mécaniciens à constructeurs de machines

Le secteur métallurgique catalan naît en étant étroitement lié à l’industrialisation textile. Nombre des plus grandes entreprises mécaniques du XXe siècle étaient nées comme ateliers de réparation et de construction d’éléments pour le textile. Durant les premières années de l’industrialisation, les machines étaient acquises à l’étranger.

Josep Sanglas et Josep Serra sont les meilleurs exemples de ce lien étroit. Un cotonnier et un mécanicien qui finissent par construire des fileuses en continu et créer ce qui fut, jusqu’aux années 1960, la première entreprise de machines textiles catalane.

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Can Serra

Cette entreprise fut créée en 1902, lorsque le « serrurier » de Roda de Ter, Josep Serra Sió s’associa au mécanicien Costa de Manlleu. L’atelier se consacrait au début à la réparation de machines pour les entreprises textiles de la région. La trempe et le génie technique de Serra ne passèrent pas inaperçus aux yeux d’un homme à l’intelligence de Josep Sanglas Alsina qui, en 1913, apportera le capital nécessaire pour créer la S.A. Serra, spécialisée dans la construction de machines pour la filature.

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Les motocyclettes Sanglas

Au début des années 1940, Martí et Xavier Sanglas, fils de l’industriel de Manlleu Josep Sanglas i Alsina, mirent en marche l’atelier Talleres Sanglas, SA, de fabrication de motocyclettes. En 1944, ils lancèrent le premier modèle de la marque Sanglas, qui avec le temps devint l’une des plus prestigieuses marques de l’État. Bien que l’usine de motocyclettes se soit toujours trouvée à Barcelone, il n’y a pas de doute, les Sanglas sont bien de Manlleu.

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Les métiers à tisser Bracons et Riera de Roda de Ter

L’entreprise naît en 1855 en comme atelier de réparation de machines textiles. L’industrialisation croissante du bassin du Ter amènera ses propriétaires à se lancer dans la construction de machines. En 1917, ils inaugurent une fonderie où ils construiront leurs premiers métiers à tisser. De cette usine sortira, douze ans plus tard, le premier métier à tisser semi-automatique construit en Espagne, qui recevra la médaille d’or lors de l’Exposition Internationale de Barcelone de 1929.

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Fraguas del Ter

En 1915, Eudald Carandell Puig, en société avec Artur Roqué et J. Planas de Manlleu, ouvre un atelier mécanique rue Sant Jaume et une petite fonderie à la rue Sant Martí Xic, près du Ter. Eudald, marié à María Català Benito, de Talleres Català (Ateliers Català) de Torelló, se consacrera à la construction et à la réparation d’accessoires pour métiers à tisser. En 1922, Joaquim Carandell Català, mécanicien de Can Serra, rejoindra les ateliers. Fraguas del Ter se spécialisera alors dans la production de pièces détachées et de rechange pour métiers à tisser dans ses ateliers de Manlleu et dans la fonderie Altafaja de Vic qui, en 1935, sera transférée dans l’espace industriel de Sucre de Manlleu, à côté de la gare de chemin de fer.

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La société industrielle. 1845-1935

Nouvelles conditions et nouveaux modes de vie et de subsistance associés au nouveau système économique capitaliste, nouveaux groupes sociaux, nouveaux projets industriels, nouvelles formes d’associationnisme culturel, politique ou de classe (chœurs, regroupements syndicaux, mutualistes, religieux, etc.), nouveaux conflits. En définitive, une nouvelle société en ébullition, en mouvement et en transformation constante. Une illustration de comment l’industrialisation a transformé le monde, la Catalogne et, bien entendu, Manlleu et le bassin du Ter.

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Fabricants et travailleurs: les nouveaux protagonistes

La nouvelle société industrielle qui naît au milieu du XIXe siècle est surtout urbaine et possède deux grandes figures: les fabricants et les travailleurs. Les premiers se montraient très entrepreneurs. Les deuxièmes construisirent, anonymement, la principale base d’une croissance sans précédent. Le monde était contrôlé par les hommes, mais les femmes, à l’ombre de la prédominance masculine, étaient largement présentes. Du reste, elles ont constitué pendant plus d’un siècle le gros de la main d’œuvre des manufactures textiles du Ter.

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Dans ce monde en ébullition, des hommes et des femmes ont joué un rôle important dans les nouveaux projets économiques et d’amélioration sociale tandis que d’autres ont souffert des conséquences sans pouvoir faire grand-chose. Les fabricants et les travailleurs, mais aussi les paysans et les artisans, durent s’adapter à une nouvelle situation.

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Josep Serra i Sió

Josep Serra i Sió est né à Roda de Ter en 1877. Son père était tisseur et sa mère, couturière. Il commença en tant qu’apprenti dans une filature de Roca à 10 ans, avant de se rendre à Terrassa pour travailler dans une usine de métallurgie, où il devint responsable quelques années plus tard.

En 1902, il s’associa au mécanicien Andreu Costa i Pagès, de Manlleu ; ensemble, ils créèrent la société Costa i Serra, qui se consacra tout d’abord à la réparation de machinerie, avant de se mettre à la fabrication de fileuses en continu. En 1913, il créa la société anonyme Serra, spécialisée dans la fabrication de toute la gamme de machinerie pour la filature de coton. Can Serra devint la première entreprise de fabrication de machinerie textile espagnole et une entreprise emblématique, dont on disait alors que « quiconque y travaille s’assure le pain à vie ».

L’esprit d’entreprise de Josep Serra le mena à participer à de nombreux projets industriels, parmi lesquels la création de Conductores Eléctricos Roqué. Serra resta à la tête de l’usine jusqu’en 1940, date à laquelle un de ses huit enfants, Josep Serra, prit la relève. Il est mort à Barcelone en 1959 et en 1964, un capital étranger racheta l’entreprise.

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Les Roca

En 1830, le forgeron Ignasi Soler établit à Manlleu une petite forge. Son fils Maties, profitant du développement industriel du bourg, la transforma en un atelier de construction, de réparation et d’entretien de machinerie au service de l’industrie textile de Manlleu. Maria Soler, la fille unique de Maties Soler, épousa en 1880 Pere Roca, un forgeron de Montcada qui connaissait bien les entreprises métallurgiques de Barcelone. L’atelier des Roca devint une entreprise importante à Manlleu. Les quatre enfants des époux Roca Soler naquirent entre 1880 et 1890 : Àngela, Maties, Martí et Josep.

Les enfants apprirent le métier dès leur plus jeune âge dans l’atelier de leur père. Ils furent ensuite envoyés dans des entreprises métallurgiques de Barcelone pour se former loin du giron familial. Pere Roca décéda en 1910. Les frères Roca étaient jeunes, impatients et entrepreneurs. Ils misèrent sur le secteur des chauffages, voulant devenir la première entreprise espagnole capable de fondre des radiateurs. Avec cet objectif en tête, ils se rendirent en France pour travailler et apprendre dans des entreprises du secteur. À leur retour à Manlleu, et après plusieurs tentatives, les Roca atteignirent leur objectif et pénétrèrent avec force sur le marché intérieur en pleine croissance.

En 1917, l’entreprise s’établit à Gavà à la recherche de meilleures communications. Là, les frères Roca étendirent et diversifièrent l’entreprise jusqu’à faire de la marque Roca une référence mondiale dans la fabrication de radiateurs et de produits sanitaires en porcelaine vitrifiée.

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Les Puget

Les Puget représentent à merveille l’esprit d’entreprise et d’innovation des fabricants qui ont marqué les débuts de l’industrialisation dans le bassin du Ter. Ils venaient d’Osseja, dans la Cerdagne française, d’où Francesc Puget i Montfort s’expatria pour s’installer à Vic vers 1826. En 1834, il y possédait une importante usine de filature et de tissus en coton, qui fonctionnait avec la force des mules. Rafael Puget Terrades, le fils de Francesc, est également né à Osséja, en 1823. Tout jeune, son père l’envoya étudier deux ans à Manchester, berceau de l’industrie du coton.

Francesc Puget comprit rapidement le potentiel industriel du Ter. En 1841, il loua l’usine de Can Barola à Manlleu, qui fonctionnait grâce à une roue hydraulique. Également en 1841, il acquit en parallèle avec deux associés la concession du surplus d’eau du barrage de la Teula, où naît le canal industriel de Manlleu, pour y développer ensemble le projet des Trois Usines. Puget s’octroya l’usine située au milieu. Ce projet le lia à tout jamais à la création du canal industriel de Manlleu, dont la société des propriétaires fut constituée en 1848.

Après la mort de Francesc à Vic en 1868, son fils Rafael prit la relève dans l’entreprise. Rafael Puget continua à investir et à participer à des projets industriels liés au canal de Manlleu, comme la société Almeda, Sindreu i cia, la manufacture de la Seda et Cal Blau. La grande demeure construite à Manlleu, à Dalt Vila, par Rafael Puget i Terrades témoigne de la puissance économique de la famille. L’ouvrage fut achevé en 1888. Rafael est mort à Manlleu en 1886. Son héritier, Rafael Puget Munt, est né à Manlleu en 1873, mais sans se faire remarquer comme industriel. Il s’installa à Barcelone et devint le parfait bourgeois de l’Eixample barcelonais. L’écrivain Josep Pla en fit son personnage principal dans son ouvrage Un senyor de Barcelona.

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Les Rusiñol

Jaume Rusiñol i Bosch est né à Manlleu entre 1808 et 1810 et est mort à Barcelone en 1887. Rusiñol se consacrait au commerce du coton dans la capitale catalane, où il s’était établi. Il maintenait des liens étroits avec Manlleu, déjà à l’époque un des principaux centres cotonniers du pays. D’ailleurs, il est un des pionniers du textile de la ville, où il créa la société propriétaire de l’usine de Can Puntí, ouverte en 1853. En 1879, il acquit l’usine de Can Remisa, qui devint la plus importante de Manlleu.

Jaume Rusiñol a eu un seul descendant, Joan Rusiñol, qui administra l’affaire familiale avec son père jusqu’à la mort de ce dernier, en 1883. Son fils ainé, Santiago Rusiñol, prit en charge l’usine de Manlleu, travail pour lequel il avait été formé. Toutefois, sa passion était l’art, et un an après la mort de son grand-père, en 1887, son frère Albert Rusiñol assuma la gestion directe de l’entreprise.

Les années suivantes, Albert Rusiñol consolida l’usine, notamment la colonie, et fit construire de nouveaux édifices, dont la demeure des propriétaires, Cau Faluga, qui fut le point de départ de différents voyages de Santiago et le siège de nombreux actes culturels et politiques des deux frères. Albert Rusiñol est devenu un important homme d’affaires et politique influent : plusieurs fois député à Vic et Barcelone, sénateur à Tarragone, président de la Ligue régionaliste, président du Développement du travail national et fondateur de l’Association des fabricants de Manlleu et de sa comarque.

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Ramon Mas Costa

Ramon Mas est né en 1882 à Vic. Fils de maraîcher, tout petit déjà il vadrouillait parmi les légumes du verger de Can Tinoies, à Santa Eugènia de Berga. Quelques années plus tard, il rencontra Maria Pou, également maraîchère de Vic et qui venait du verger du Clos. Un peu plus tard, ils se marièrent et décidèrent de s’établir à Manlleu. Ils y régentaient le verger de l’usine de Can Sanglas, qui avait commencé à être cultivé en 1872. Toutefois, depuis quelques années le verger et le logement étaient inoccupés. L’accord qu’ils avaient avec les Sanglas, les propriétaires de l’usine et du verger, consistait à cultiver et à vivre sur ces terres, dont les bénéfices étaient partagés en deux. C’est ainsi que Mas est devenu le fermier de Can Sanglas.

Les légumes et la pépinière n’ayant pas d’horaires, Ramon et Maria faisaient de très longues journées. Avec la jument et la charrette, ils partaient vendre sur le marché de Manlleu les lundis et sur celui de Torelló les mercredis. Par ailleurs, le domicile de la rue Bisbe Aguilar, juste à côté de l’usine et des vergers, recevait un véritable cortège de gens qui venaient acheter les légumes, déjà lavés et « prêts-à-manger ».

Ramon Mas et Maria Pou ont eu cinq enfants, trois garçons et deux filles. L’héritier, Joan, poursuivit l’affaire familiale avec son épouse Rosa, qui remplaça les bobines du textile par les légumes. Ramon Mas est mort en 1957.

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Ramon Madirolas

Il est né en 1856 à Manlleu dans une famille de propriétaires aisés du mas Madiroles. Il a étudié à Barcelone et au séminaire du Collell, à côté de Banyoles. En 1882, il a épousé Pilar Torrents avec laquelle il a eu trois filles et quatre fils. Veuf en 1898, il s'est remarié en 1912 avec Dolors Casas, qui est morte six ans plus tard.

Madirolas était une personne très dynamique. Influencé par les temps nouveaux, il a innové dans l’exploitation de ses propriétés, notamment dans la culture du blé et de la pomme de terre, ce qui lui a valu la reconnaissance et des prix internationaux. Il a également exploité sur ses terres une source lui permettant de commercialiser une eau minérale et médicinale et a lancé le projet de transformation de la demeure en une station balnéaire.

Son activisme social était marqué par sa profonde générosité. Parmi les autres activités et projets, il a promu la construction du sanctuaire Puig-agut entre 1883 et 1886, il a participé à la fondation de la Société jeunesse Catholique en 1877 et à l’arrivée à Manlleu des frères des Écoles chrétiennes de la Salle. Madirolas s’est distingué par les liens qu’il a tissés toute sa vie avec les élites politiques, religieuses et culturelles du pays. Son amitié avec le général Valeriano Weyler est notamment bien connue. Madirolas est mort en 1927. Il est enterré avec sa famille, dans la tombe construite dans le sanctuaire même du Puig-agut.

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Filomena Sanglas Guiu

Filomena est née dans la ferme de Can Sanglas dans le voisinage de Saderra (Orís), le 19 mars 1853. Elle y a vécu avec ses parents Joan Sanglas et Teresa Guiu jusqu’à son mariage en 1880 avec Jaume Solà Alou, natif de Tavertet. Le couple s’installa chez Jaume, concrètement au mas Llobet, également à Tavertet, à côté du Ter et du monastère de Sant Pere de Casserres.

Filomena et Jaume ont eu cinq filles et quatre garçons. Comme toutes les femmes, dans les documents historiques qui la mentionnent, Filomena figure comme « sans profession », parfois « femme au foyer » et dans d’autres « travail correspondant à son sexe ». Mais nous savons que Filomena faisait au mas Llobet tout ce qu’elle avait appris de sa mère : s’occuper des neuf enfants, veiller à l’alimentation et à la santé de tous les membres de la maison, laver le linge, coudre et participer aux labeurs des champs et au soin du bétail. Dans les annales familiales, Filomena était une fileuse, activité qu’elle devait sans doute combiner avec les autres labeurs.

Son mari est mort en 1905 à l’âge de 52 ans. Peu après, Filomena s’installa chez son fils aîné, Josep. L’héritier avait construit le mas Solà à Sant Martí Sescorts (l’Esquirol). À la fin de sa vie, la grand-mère Llobeta, surnom que l’on donnait à Filomena en référence à son origine, passait son temps à filer de manière artisanale et à cueillir des herbes médicinales de la région, qu’elle vendait ensuite sur les marchés des alentours. Elle est morte le 23 février 1945, à 93 ans.

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Les travailleurs du textile du Ter. Une majorité invisible

À la fin du XIXe siècle, les femmes étaient déjà en majorité dans les usines du Ter. Des armées de fileuses, de travailleuses auxiliaires, d’apprenties, etc. sur les bobinoirs, les mécheuses, les fileuses en continu, les bobineuses, etc. D’innombrables tâches, souvent sous-estimées et reléguées à l’échelon le plus bas de la hiérarchie professionnelle. Elles étaient souvent appelées avec dédain les « punaises » ou les « fabricantes ».

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À la maison et à l’usine: la journée double

Des milliers de femmes des filatures du Ter devaient concilier le travail dans les usines avec les responsabilités à la maison et la maternité. Leur incorporation en tant qu’ouvrières industrielles n’a changé en rien les rôles familiaux associés au genre. Après leur journée à l’usine, les femmes devaient s’occuper de la maison.

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Ce n’est qu’en 1900 qu’une première loi a été adoptée interdisant le travail des femmes jusqu’à trois semaines après l’accouchement. Cette absence n’était pas rémunérée et se limitait à contraindre l’entreprise à maintenir le poste de travail. En 1907, la durée du post-partum a été allongée jusqu’à six semaines. Ce n’est qu’à la IIe République (1931) que l’assurance obligatoire de maternité est rendue obligatoire de même qu’un congé de maternité de six semaines rémunérées. L’existence des lois ne voulait pas forcément dire qu’elles étaient respectées.

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Bien qu’une première loi ait été adoptée en 1912 interdisant le travail nocturne des femmes, les femmes qui avaient de grandes responsabilités familiales travaillaient généralement la nuit. Il s’agissait d’une stratégie visant à comptabiliser le travail à l’usine avec la deuxième journée de travail à la maison.

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L’opposition du mouvement des ouvriers au travail des femmes. Le cas de Manlleu

Les ouvriers ne voyaient pas d’un bon œil l’arrivée des femmes dans les usines et s’y opposaient fermement, voulant défendre leurs postes de travail et obtenir de meilleurs salaires. Dans les centres industriels de plus grande envergure, contrairement aux communautés industrielles ou aux centres plus petits, le travail était mieux organisé, ce qui a ralenti le remplacement de la main d’œuvre masculine par la féminine. Manlleu, qui était un important centre ouvriériste, en est un exemple.

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Usines de femmes

Dans la filature, le travail était divisé en trois grands groupes: la préparation, principalement avec des hommes ; la filature, avec des hommes et des femmes, mais une majorité de femmes; et les finitions, dont se chargeaient principalement des femmes. Les métiers spécialisés étaient réservés aux hommes : menuisier, bobinier, turbineur, forgeron, graisseur, rédacteur, etc. La hiérarchie était stricte et les femmes, le plus gros de la main d’œuvre, occupaient l’échelon le plus bas.

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Il n’y avait pas de grandes différences entre les femmes et les hommes quant aux journées de travail. Au début, elles étaient exténuantes, mais elles se sont peu à peu réduites au fil des années et des revendications. En 1902, la durée légale de travail était fixée à 66 heures par semaine. Elle est passée à 60 heures en 1913 puis à 48 heures en 1919, à l’issue de la grève de la Canadiense.

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À travail égal, le salaire des femmes était inférieur à celui des hommes. En 1900, le Conseil local des réformes sociales de Roda de Ter approuva un acte selon lequel les hommes gagneraient 3 pesetas, les femmes 2 et les enfants 1,5 par jour. En 1914, dans la manufacture Almeda i Alemany de Vila-seca (Sant Vicenç de Torelló), une fileuse touchait un salaire de 20 pesetas par semaine, moitié moins qu’un fileur.

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Chemins de femmes

De nombreuses travailleuses provenaient du large réseau de maisons paysannes d’Osona. Sur le chemin du travail, elles parlaient, priaient, chantaient, mais devaient souvent éviter le harcèlement masculin. Au fil des ans, ces femmes ont façonné ces chemins et leur ont donné une identité. Par exemple, le chemin de la Paciència, qui reliait Sant Pere de Torelló aux usines de Vila-seca et Borgonyà, ou le chemin des Xinxes (« punaises »), qui reliait Folgueroles aux usines de Roda de Ter.

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Un exemple dramatique de la violence dont étaient victimes les femmes est le cas des « égorgées du Cós ». Le 22 août 1858, six ouvrières entre 10 et 23 ans sont attaquées par deux individus dans la zone appelée les roches du Cós, sur le chemin des Xinxes. Sur les six, trois sont mortes les autres ont survécu malgré leurs blessures.

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Le 23 mars 1882, un ban du maire de Roda de Ter informait à propos d’insultes aux ouvrières à l’entrée et à la sortie des usines, et menaçait de poursuites judiciaires les responsables. Cela prouve à quel point cette violence contre les femmes était une pratique habituelle.

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Gaspar Vigué

Il est né à Torelló en 1873. Son père, Lluís Vigué, venait de l’Esquirol et était journalier. Il appartenait à une famille modeste de cinq enfants. Gaspar a commencé à travailler vers les huit ans dans une usine textile, où il a obtenu avec le temps une place d’apprenti fileur. Les fileurs des Selfactinas choisissaient leurs propres apprentis et leur versaient eux-mêmes le salaire, de main à main. Au bout de quelques années, Gaspar est aussi devenu fileur, responsable de sa propre Selfactina.

Gaspar Vigué a épousé Júlia Manent à l’église paroissiale de Sant Feliu de Torelló en 1896. L’année suivante est né leur premier fils, Vicenç Vigué. La fin du XIXe siècle a été marquée par de graves conflits entre la classe ouvrière et les capitalistes dans les usines du Ter. L’un des motifs était l’introduction des fileuses en continu dans les usines textiles et avec elles, l’arrivée de femmes à des postes qui étaient jusqu’alors destinés aux hommes. Les fileurs, fiers de leur métier, voyaient cela comme une attaque à leur statut.

Gaspar Vigué a été l’un des ouvriers qui a participé en mars 1901, dans tout le bassin du Ter, à de violentes manifestations contre un lockout - la fermeture des usines - décrété par le patronat, pour protester contre les grèves et qui mettait au chômage 14000 ouvriers. Vigué a été tué par balle le 11 mars, lors des affrontements avec la police à Torelló. Les évènements ont eu de grandes répercutions dans la presse de tout le pays et Vigué a été considéré un des martyres du mouvement ouvrier. Sa fille est née huit mois après son décès.

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Francesc Abayà Garriga

Francesc Abayà est né le 22 avril 1844 à Barcelone. Son père était tisseur de lin. Il était teinturier et membre du conseil de la Société des compagnons teinturiers de Barcelone entre 1870 et 1871. Il participa en 1872 au congrès constitutif de l’Union manufacturière. Il entra au conseil et fut nommé secrétaire de rédaction de La Revista Social. Une requête aux Cours constitutionnelles de la Première République espagnole date également de cette époque, demandant de meilleures conditions de travail, parmi lesquelles la journée de huit heures, l’enseignement laïc gratuit et obligatoire et l’interdiction de travailler aux enfants de moins de 12 ans.

En 1880, nous le trouvons déjà à Manlleu lié à la Société chorale du progrès de Manlleu dans le projet de création d’un centre pour l’instruction des ouvriers. Fin 1883, il quitta Manlleu pour Vic, où est née sa fille Maria. Neuf mois plus tard, en 1884, il repartit pour Barcelone, où il participa activement à la vie syndicale. Pendant ces années, Abayà fut un clair exemple du processus de radicalisation du mouvement ouvrier catalan, en passant de positions réformistes à l’anarchisme. En 1892 il fut arrêté en raison de son implication dans la tentative de grève générale. Son fils Galileu est né à Barcelone.

En 1894, Abayà s’installa nouveau à Manlleu, rue Sant Antoni, avec sa femme et ses enfants. En 1900, en tant que dirigeant de l’Union ouvrière comarquale des arts et métiers du bassin du Ter, il essaya de réorganiser les syndicats à travers la déjà disparue Fédération des travailleurs de la région espagnole. Pendant ce processus, il lança le Manifeste de Manlleu. En 1911, à 66 ans, il quitta de nouveau Manlleu avec sa femme et ses enfants. Il est mort à Barcelone en mai 1917.

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Josep Lladó

Il est né en 1880 à Olost de Lluçanès. Il s’installa rapidement à Manlleu avec sa famille. À cette époque, la capitale industrielle d’Osona attirait la main d’œuvre des régions montagneuses alentours. Lladó était l’ainé de douze enfants. Il commença à travailler à l’usine de Can Puntí alors qu’il avait à peine 8 ou 9 ans. Son père est mort lorsqu’il était petit. Lladó devint tisseur, travail dans lequel prédominaient encore les hommes grâce à la force de l’ouvriérisme. Plus tard, il travailla également dans l’entreprise Conductores Eléctricos Roqué.

Josep Lladó contribua à transformer la Coopérative mutuelle du pain et de l’alimentation de Manlleu en l’une des principales coopératives de consommation catalanes. Dans un premier temps, il centra son activité à Manlleu, mais ses propositions finirent par s’étendre dans la comarque d’Osona et dans toute la Catalogne. En effet, Lladó était l’une des grandes figures du mouvement coopérativiste catalan, avec un autre natif de Manlleu, Joan Codina.

Dans le domaine politique, Lladó fut conseiller de la mairie de Manlleu pour le Front unique des gauches pendant les années de la République, et maire pendant les évènements d’octobre 1934. Plus tard, en pleine guerre d’Espagne, il fut nommé maire en représentation de l’Union socialiste de Catalogne. À la fin de la guerre, Lladó dut fuir et il s’exila en France, où il est mort en 1963 dans la ville de Hyères. Son compagnon dans les files du coopérativisme et du socialisme, Joan Codina, préféra rester à Manlleu, où on le fusilla le 3 mars 1939.

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Maria Roma. Biographie recréée

Elle est née à Sant Boi del Lluçanès en 1872. Enfant, elle s’installa à Manlleu avec ses parents et ses cinq frères, car les usines y offraient alors de nouvelles possibilités de travail. Un frère de son père, qui était déjà installé dans la ville, offrit une chambre dans sa maison pendant un temps. Le chargé de l’usine où travaillait son frère, Can Rusiñol, s’était engagé à donner du travail à la famille : son père aux cardes, sa mère aux bobinoirs et ses frères, en tant qu’apprentis fileurs.

À huit ans, elle commença à travailler en aidant sa mère. L’usine était pleine de femmes et d’enfants et la journée était exténuante: elle commençait dès l’aube et durait jusqu’à quatorze heures, y compris le samedi. Le chemin de l’usine représentait l’un des rares moments de détente, mais l’obscurité, le sommeil et la fatigue étaient souvent les seuls compagnons de trajet. Pendant les plus de 40 ans de travail en usine, les chemins lui ont montré des scènes de peur, de rires, de chants, de casse-têtes et de rêves qui s’évanouissaient avec la sirène de l’usine.

Dans l’usine, Maria Roma apprit beaucoup et passa rapidement aux mécheuses. Les salaires étaient très bas et inférieurs à ceux des hommes. Travailler à l’usine ne la délivra pas des tâches ménagères (cuisiner, laver le linge, s’occuper des enfants, etc.). À 19 ans, elle épousa un travailleur textile, avec qui elle a eu six enfants; quatre filles et deux garçons. En 1934, Maria est morte à l’âge de 62 ans suite à une maladie pulmonaire, sans doute causée par la poussière de l’usine et la fatigue du travail à la maison et à l’usine. Elle ne savait ni lire ni écrire.

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Jaume Baulenas

Il est né à Manlleu en 1796, dans une famille de tisseurs. Son père, qui s’appelait aussi Jaume, était cardeur de laine, métier qu’il adopta également. Baulenas épousa à l’âge de 16 ans Petronilla Torrent, également originaire de Manlleu. Ensemble, ils ont eu cinq garçons et deux filles.

Les premières années du XIXe siècle étaient prospères pour les tisseurs de coton qui, comme Baulenas, trouvèrent à Manlleu le cadre idéal pour voir croître leur industrie. Jaume Baulenas arriva à avoir dans son atelier de la rue Cortada, au rez-de-chaussée de son habitat, jusqu’à six métiers à tisser manuels, où travaillaient neuf personnes, dont certains de ses fils et filles, à mesure qu’ils arrivaient à l’âge idéal. Mais la guerre d'indépendance espagnole et la première guerre carliste nuisirent aux affaires.

Peu à peu, la demande de ses tissus diminua. La production des usines était plus rapide et moins chère. Il se défit finalement de ses deux derniers métiers à tisser en 1853. À 57 ans, Baulenas se mit à travailler dans l’une des premières usines établie à Manlleu pour exploiter la force du fleuve Ter. Le cas de Baulenas n’est pas rare parmi les tisseurs de Manlleu, la plupart d’entre eux se virent dans l’obligation de passer de petits fabricants à ouvriers dans les nouvelles usines. Il est mort en 1875 d’une maladie pulmonaire à 79 ans. À cette époque, il restait déjà peu de tisseurs avec un atelier à domicile.

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Josepa, Pepeta, Vila. Biographie recréée

Elle est née à Roda de Ter en 1878. Alors qu’elle n’avait pas encore sept ans, elle commença à travailler dans l’usine de Can Portavella, également à Roda et à quelques pas du petit appartement de la rue Sòl del Pont, où elle vivait avec ses parents, ses deux sœurs et ses trois frères. Pepeta avait un poste sur les bobinoirs dans les équipes de nuit. Elle y passa de longues années, avec quelques changements d’équipe, jusqu’à ce que l’arrivée de la fileuse en continu, la nouvelle machine à filer qui remplaçait la Selfactina, lui permit de changer de section. Elle avait alors 13 ans. Le travail était dur, mais le fait de travailler en dehors de la maison la libérait du contrôle asphyxiant de ses parents et de ses frères. Et elle avait ses amies à l’usine.

À cette époque, Pepeta et ses compagnes étaient souvent victimes d’insultes proférées par les hommes et les garçons à l’entrée de leur poste. Avec l’introduction de ces machines à filer, qui à la différence des Selfactinas ne demandaient pas de force physique, les femmes occupèrent le poste des anciens fileurs. Cela causa de graves conflits. Mais ce qui lui faisait vraiment mal était le fait de gagner deux fois moins d’argent qu’un homme. De plus, elle avait l’impression que ces ouvriers, avec qui elle travaillait, auraient aimé la voir recluse chez elle à s’occuper des enfants.

Le premier mai 1900, Pepeta assista à un rassemblement ouvrier auquel participait la républicaine féministe Ángela López de Ayala dans les salons de Can Guiu. Elle pensait qu’un jour les choses pourraient changer pour les femmes. Pepeta a appris à lire et à écrire toute seule et s’est mariée à 23 ans avec un mécanicien de Manlleu qui travaillait à Can Bracons. Elle a eu trois enfants entre 1902 et 1907. Lorsque Pepeta est morte, en 1923, elle travaillait encore à Can Portavella.

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Rosa Mas Albanell

Rosa est née à Manlleu le 4 janvier 1886. Son père, Pere Mas, est né à Sant Vicenç de Torelló et travaillait à Manlleu comme fileur pendant de nombreuses années. Sa mère, Anna Albanell, venait aussi d’une famille du textile. Pere et Anna se sont mariés en 1885 et ont eu sept filles et trois garçons. Rosa était l’ainée. Elle commença très jeune à travailler dans l’usine de Rifà (à Manlleu). En 1923, elle travaillait avec treize autres femmes sur les mécheuses, où il n’y avait qu’un seul homme qui, comme d’habitude, était le responsable de la section. À cette époque, l’usine de Can Rifà comptait 138 ouvriers, dont 67 femmes.

Elle était engagée socialement et politiquement. En 1934, elle rejoint le Rassemblement des femmes ouvrières de gauche, dont les objectifs étaient de défendre la liberté, l’autonomie de la Catalogne et la République, de même qu’améliorer la formation des femmes. Sa sœur, Mercè Mas, en était la présidente. À la fin de la guerre d’Espagne (1936-1939), les deux sœurs et sept autres femmes furent dénoncées par un vicaire, accusées d’avoir de « mauvais antécédents » et d’avoir participé à l’incendie pendant la guerre. Les rapports ajoutaient que toutes étaient « d’idées de gauche » et favorables au Front populaire. En revanche, le maire Casanovas Tona déclara qu’aucun délit ne leur était connu. De nombreux habitants soutinrent les détenues, qui furent finalement acquittées. Peu après, Rosa retourna aux mécheuses de Can Rifà. Elle a toujours vécu au domicile familial, rue del Comte 17, où elle est morte le 28 décembre 1964.

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Travailler pour vivre

L’industrialisation a rapidement changé la vie des travailleurs. En passant d’un environnement rural à urbain, d’un travail artisanal à l’usine, avec une nouvelle discipline du temps et du travail stricte, de longues journées de travail, le travail des enfants, les crises alimentaires, les logements précaires, la migration des champs à la ville, etc. Les villages et les villes comme Manlleu, Torelló ou Roda de Ter ont vu leur structure économique et sociale se transformer en peu de temps. Et dans leurs zones dépeuplées, sur les berges du Ter, les usines ont créé des colonies industrielles, sous le contrôle des fabricants et souvent dotées des mêmes services que dans les centres urbains plus industrialisés.

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La façade fluviale de Manlleu, entre le pont de Can Molas et l’usine de Can Sanglas au début du XXe siècle. On peut voir dans cet espace le canal industriel de Manlleu avec plusieurs ramifications, les usines qui occupaient la façade fluviale de la ville, les vergers, qui partageaient ce paysage industriel, les lavoirs, espace de travail féminin, et les rues naissantes du Baix Vila, où les maisons individuelles étaient remplacées par des appartements pour accueillir la population ouvrière qui arrivait principalement des zones rurales de la comarque.

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La colonie Rusiñol au début du XXe siècle. Elle se trouve dans la circonscription de Manlleu, en amont, à l’extérieur du centre urbain. Can Rusiñol était l’usine de la famille de l’artiste moderniste Santiago Rusiñol. À la fin du XIXe siècle, Can Rusiñol, également appelée Can Remisa, était la plus grande usine de Manlleu. À cette époque s’est terminée la construction de la colonie, qui comprenait, outre l’usine et les logements, un économat, une petite église et la demeure des Rusiñol, Cau Faluga, dont le nom s’inspirait de la maison du Cau Ferrat à Sitges, également conçue par Santiago Rusiñol.

L’emplacement des usines à l’extérieur des centres urbains suivant le cours du fleuve pour en exploiter l’énergie hydraulique a facilité la création d’une multitude de colonies industrielles tout le long du Ter. Elles assuraient la valorisation énergétique du fleuve et permettaient également aux fabricants, en contrôlant tous les aspects de la vie quotidiennes, de garantir le contrôle et la paix sociale, qui faisait souvent défaut dans les centres industriels plus importants.

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Vers une prise de conscience des classes

Les nouvelles classes sociales nées avec l’industrialisation ont pris conscience de leurs intérêts et se sont organisées: les travailleurs, pour améliorer leurs conditions de travail, alors précaires; les patrons, pour faire face aux demandes ouvrières et maintenir l’ordre établi. Des associations à finalités culturelles, coopératives et mutuelles, des syndicats, des organisations patronales et parfois des partis politiques ont joué un rôle jusqu’alors inconnu dans la vie sociale. L’église a également eu un rôle important, en favorisant un associationnisme ouvrier catholique face à l’associationnisme ouvrier revendicatif et laïc.

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Société chorale du progrès de Manlleu

À une époque de persécution de l’associationisme ouvrier et d’une liberté d'association limitée, les entités chorales liées au mouvement de vocation laïque et régénérationniste de Josep Anselm Clavé ont eu une grande importance. Bien que leurs finalités étaient culturelles et récréatives, elles servaient de courroie de transmission aux revendications ouvrières.

À Manlleu, en 1862 est née une des premières sociétés chorales du Ter, la Société chorale du progrès de Manlleu. Située rue Call de Ter (aujourd’hui Enric Delaris), cette entité militait en faveur du républicanisme et de l’ouvriérisme et était liée au mouvement créé par Josep Anselm Clavé, qui assista en personne à l’inauguration. Dans les années 1880 la Société s’établit sur le Passeig de Sant Joan. Le « chœur », nom qui évoque encore aujourd’hui cette société et qui est resté lié à l’édifice du Passeig de Sant Joan qui l’a accueilli pendant des années, possédait un café et organisait des bals, des conférences, des chorales, des rassemblements, des représentations théâtrales, etc. Un des signes distinctifs de l’entité était sa volonté d’instruire. Le Progrès créa une école laïque et une bibliothèque dès les années 1880. Cette vocation éducative provoqua de graves affrontements avec le secteur catholique de la ville. Après des hauts et des bas causés par les affrontements avec les autorités et les problèmes économiques, la Société chorale du progrès s’est dissoute en 1913.

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Coopérative mutuelle du pain et de l’alimentation

L’industrialisation a impliqué une augmentation du nombre de consommateurs, leur dépendance au commerce et la dégradation des conditions de vie des ouvriers industriels. Dans ce contexte, le mutualisme et le coopérativisme, notamment celui lié à la consommation, a joué un rôle important aux débuts du mouvement ouvrier, souvent avec une position réformiste et modérée.

À la fin du XIXe siècle, Manlleu avait six coopératives, toutes de consommation et en 1901, elles comptaient 300 membres. Leur principale activité était la vente d’aliments à un prix accessible. En 1903, un groupe d’ouvriers du Dolcet fonda la Coopérative mutuelle du pain, la première à construire un four. Elle se consacrait uniquement à la vente de pain, un aliment de première nécessité. Il s'agissait d’une société ouvrière, car seuls les travailleurs salariés pouvaient y adhérer. En 1908, elle comptait 300 membres. En 1909, elle fusionna avec trois autres coopératives consacrées aux aliments - l’Alliance, la Familiale et l’Avenir - et prit sa dénomination définitive: Coopérative mutuelle du pain et de l’alimentation. La coopérative était une entité pionnière en Catalogne dans le mouvement coopératif. Elle destinait une partie de ses bénéfices à un fonds collectif pour le secours mutuel, mais aussi les activités culturelles et l’instruction. Elle offrait une allocation d’invalidité et vieillesse, une assistance médicale, des aides en cas de décès ou de perte d’emploi, la maintenance de garderies, la promotion d’habitats très avancés pour l’époque. En 1916, elle construisit le siège sociale place de Fra Bernadí, le centre névralgique de Manlleu. En 1936, la coopérative comptait 700 familles associées.

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Syndicats

Outre les entités culturelles et d’aide mutuelle, où se réunissaient les ouvriers pour défendre leurs intérêts, un syndicalisme revendicatif, qui assumait les nouveaux postulats idéologiques et notamment le républicanisme, le socialisme ou l’anarchisme, gagnait du terrain, sans oublier l’influence de l’église dans l’organisation d’un nouveau catholicisme social.

Dans un premier temps, les organisations syndicales étaient petites, locales et déconnectées des mouvements plus globaux. Au début des années 1870, plusieurs communes des berges du Ter avaient des centres en lien avec le syndicat de portée nationale Les Tres Classes de Vapor, d'idéologie principalement socialiste. En 1870, Manlleu possédait une des plus solides délégations de ce syndicat en Catalogne. Certains membres de ce rassemblement participèrent au congrès de fondation de l’Union générale des travailleurs (UGT). En 1900 Manlleu participa à une nouvelle tentative de réorganisation du syndicalisme avec la Fédération textile espagnole (FTE) qui ne dura que quelques années. La FTE établit son siège à Manlleu et nomma comme secrétaire du Comité central Josep Guiteras, de Manlleu. Déjà au XXe siècle, le syndicalisme socialiste et anarchiste était organisé en différents rassemblements. À partir de 1904, le socialisme se regroupa autour de la Société ouvrière de l’art manufacturier et annexes de Manlleu, alors que le syndicalisme plus anarchiste s’organisa dans le Syndicat unique des travailleurs de Manlleu.

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Association des fabricants de Manlleu et de sa comarque

Alors que les ouvriers étaient déjà organisés, et en réponse au conflit social croissant, des organisations patronales furent créées à la fin du XIXe siècle dans l’objectif d’agir contre les associations ouvrières. Elles permettaient aux fabricants de s’organiser contre les ouvriers et de résoudre les conflits qui éclataient entre les patrons eux-mêmes. Les fabricants avaient également pris conscience des classes.

Fondée en 1892, l’Association des fabricants de Manlleu et de sa comarque s’établit sur la Gran Via de les Corts Catalanes de Barcelone. Bien que cette association fût encouragée par deux des plus grands fabricants textiles de l’époque, les cotonniers de Manlleu Albert Rusiñol et Vicenç Casacuberta, la plupart des industriels propriétaires d’usines à Manlleu y adhérèrent rapidement, à l’instar des Almeda, des Sanglas, des Vilaseca ou des Comas. En 1899, elle élargit son étendue, et devint l’Association des fabricants du Ter et du Freser, cette fois aussi sous les auspices d’Albert Rusiñol, qui était alors président du Développement du travail national. L’Association joua un rôle très important durant la période des conflits du changement de siècle et notamment lors du lockout patronal à l’origine des évènements de mars 1901, avec de graves affrontements entre les ouvriers et les forces de l’ordre. L’Association se manifesta contre l’approbation de la loi de création de tribunaux mixtes de résolution des conflits entre les patrons et les travailleurs.

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Association des tisseurs

Association liée à l’Association des tisseurs de Vic. Elle était déjà implantée en 1841, avec soixante-deux membres. Il s’agit de la première manifestation organisationnelle connue du mouvement ouvrier de Manlleu.

La Jeunesse catholique

Fondée en 1878, cette entité culturelle catholique a eu une grande influence à Manlleu. Dès ses débuts, elle avait un café et un petit théâtre. En 1898, elle comptait 150 membres. Elle existe encore aujourd’hui.

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Mont-de-Piété de l’Union manufacturière de Manlleu et comarque

Fondée en 1892, il s’agissait d’une société de secours mutuel en cas de maladie. Elle offrait également son aide aux travailleurs qui avaient été renvoyés. Elle comptait 172 membres en 1898, dont la plupart étaient des chefs de section. En 1902, elle tenta de créer une coopérative de production.

Société ouvrière (Ouvriers de Manlleu)

Fondée en 1897, elle se trouvait au rez-de-chaussée du numéro 10 de la rue du Ter, dans l’ancien siège du Progrès. Elle avait comme objectif le secours mutuel pour ses adhérents en cas de maladie, et la défense des intérêts des travailleurs. En 1898, elle comptait 400 membres. Elle est intervenue activement dans différents conflits professionnels.

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Association catalaniste Rafael Casanova

Plus connue sous le nom de Can Catalans, elle est fondée en mars 1899, même si elle peut être considérée comme une continuation du Centre Catalan, dissout deux ans avant. Au cours de ses quinze années de vie, elle a développé de nombreuses activités, parmi lesquelles le théâtre et la randonnée.

Coopérative l’Harmonie

En 1901, une commission d’ouvriers et d'artisans de Manlleu commença les préparatifs pour créer la coopérative de production l’Harmonie. Un an plus tard, l’usine textile de la rue Cavalleria était déjà en fonctionnement. Elle disparut en 1911 à la suite d’une crise.

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Association ouvrière Notre Dame du Carmen

Fondée en 1888, cette entité était à caractère religieux et peu revendicative. Son objectif était d’éviter les grèves et les conflits entre les propriétaires et les ouvriers. Elle disparut en 1891.

La Vierge du Carmen était la patronne des ouvriers, ce pourquoi de nombreuses entités de Manlleu incluaient son nom dans leur dénomination, y compris certaines liées au syndicat Les Tres Classes de Vapor.

Centre Traditionnaliste

Fondé en 1890, il était lié au parti traditionaliste et rassemblait le collectif carliste de Manlleu, avec notamment les propriétaires ruraux. Il disparut le 17 août 1898.

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Société ouvrière de l’art manufacturier et annexes

Fondé en 1904, ce syndicat socialiste de Manlleu défendait les droits des travailleurs. Il était rattaché à l’UGT. Il disparut en 1923.

Coopérative mutuelle du pain catholique ouvrière « La catholique »

Elle est née en 1910 après la scission de la Coopérative mutuelle du pain de Manlleu, dans le but également de fabriquer et de vendre du pain. La scission avait pour cause un désaccord quant à la décision de la Mutuelle du pain de destiner une partie des bénéfices à la création d’un capital collectif pour prêter de nouveaux services aux membres.

Syndicat unique des travailleurs

Fondé en 1922, sa mission était de défendre les travailleurs et de créer des espaces pour les instruire. Ce syndicat était rattaché à la CNT. Il ferma en 1934.

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Société chorale l’Étoile

Fondée en 1877, elle avait pour objectif les loisirs et l’instruction de ses membres, principalement des ouvriers. Elle possédait un café et une bibliothèque. Elle organisait également des représentations théâtrales, des bals et des chorales dans le café Garcia. En 1898, elle comptait 60 membres.

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Une société dynamique

L’industrialisation a affecté toute l’organisation de la vie, au-delà des transformations économiques que cela a supposé dans le bassin du Ter. Malgré les conditions de vie très dures et les nombreux conflits, la nouvelle société connaissait un dynamisme sans précédents : la vie en commun passait au premier plan. L’intérêt pour l’éducation, les loisirs, le sport et la culture se sont manifestés avec une grande vitalité et diversité. Au début du XXe siècle, le réseau associatif de Manlleu était le plus étoffé de l’évêché de Vic. En définitive, il s'agissait d’une nouvelle société, pleinement urbaine et en ébullition.

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L’inévitable conflit

La société née de l’industrialisation était très conflictuelle. Elle se caractérisait par de profondes différences sociales, des conditions de vie précaires pour la nouvelle classe ouvrière, le manque de liberté politique et d’association, la confrontation d’intérêts entre les fabricants et les travailleurs, des affrontements entre les cléricaux et les anticléricaux, et des crises industrielles qui faisaient trembler les fondements de la nouvelle société.

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Écureuils! - 1852

Avec la révolution industrielle la grève est devenue le système habituel de revendication ouvrière. Une des premières grèves organisées dans le Ter s’est déroulée à Manlleu. En 1852, le fabricant Sala décida de baisser le prix de la main d'œuvre de certaines pièces en particulier. En retour, les travailleurs de Manlleu refusèrent de les teindre. Face à cette situation, le fabricant porta les ouvrages que les ouvriers de Manlleu ne voulaient pas faire au village voisin de Santa Maria de Corcó, également appelé « l’Esquirol ». Il semblerait que c’est pour cette raison que les briseurs de grève sont appelés, en catalan et en espagnol, les « esquirols », ou écureuil en français.

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La famine du coton – 1862-1865

Au XIXe siècle les ouvriers s’étaient définitivement éloignés des champs et dépendaient de l’activité commerciale pour se nourrir. Comme il n’y avait pas encore de mécanismes efficaces de prévision, ils étaient fortement exposés aux crises économiques du textile, qui se transformaient rapidement en crises alimentaires. L’épisode de la famine du coton, entre 1862 et 1865 en est un exemple. L’éclatement de la guerre de Sécession aux États-Unis en 1861 affecta les importations de coton. Les usines du Ter durent réduire leur activité et de nombreux ouvriers se retrouvèrent sans emploi, ce qui entraîna de lourdes conséquences sur les centres de production du Ter. À Manlleu, la mairie organisa des marmites communautaires pour lutter contre la famine et de nombreuses familles durent abandonner les centres industriels.

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Les évènements de mars 1901

La fin du XIXe siècle fut particulièrement conflictuelle en raison de la crise économique et de la perte des colonies. Les grèves se multiplièrent dans tout le bassin du Ter. Les fabricants, regroupés dans l’Association des fabricants du Ter et du Freser et se basant sur le dénommé « pacte de la faim » se mirent d’accord pour renvoyer les ouvriers les plus militants et ne les recruter dans aucune de leurs usines. La situation très tendue culmina en mars 1901. Le 11 mars, les fabricants inflexibles convoquèrent un lockout (la fermeture des usines) coordonné dans tout le bassin, provoquant la réaction des ouvriers de Ripoll jusqu’à Roda de Ter. Les affrontements avec les forces de l’ordre firent un mort à Torelló, Gaspar Vigué, et un autre à Ripoll. Le lockout dura une semaine et les ouvriers renvoyés furent finalement réadmis. Le conflit arriva à être débattu au conseil des ministres du gouvernement.

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Cléricalisme et anticléricalisme

L’arrivée du républicanisme, de l’anarchisme et du socialisme, des idéologies à tendance laïque voire anticléricale provoquèrent une réaction de l’église en coordination avec les intérêts des fabricants. Josep Morgades et Josep Torras i Bages, deux abbés de Vic entre 1882 et 1916, et le natif de Manlleu Francesc d’Assís Aguilar, l’abbé Sogorb, conduisirent un nouveau catholicisme social qui voulait écarter les ouvriers du chemin de la revendication et révolutionnaire. L’enseignement était un des domaines à la base de l’affrontement, comme en témoignent les conflits soulevés en raison de l’école laïque du Progrès. Ouverte dans les années 1880, elle ferma définitivement ses portes en 1909, après les évènements de la Semaine tragique. Elle avait déjà été fermée plusieurs fois, et les affrontements parfois violents entre ses partisans et ses détracteurs, eurent souvent des conséquences sur la cohabitation dans la ville.

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ÉPILOGUE

L’industrialisation est un des processus historiques ayant défini avec force la Catalogne contemporaine. Le bassin du Ter en général et Manlleu en particulier ont vécu de manière singulière la transformation d’une société rurale en une société principalement industrielle. Le Ter en était le grand moteur. Cette évolution nous a légué une culture industrielle qui a été transmise de génération en génération et cohabite avec l’esprit rural de la comarque d’Osona.

Mettre en valeur cette culture industrielle (matérielle et immatérielle) signifie revendiquer la capacité entrepreneuriale et le dynamisme des patrons et des travailleurs; l’effort continu des uns et des autres, sans oublier les femmes, une majorité invisible; et l’apparition d’une société civile très dynamique avec une grande capacité d’association.

Entreprenariat, innovation, effort, coopération sont des valeurs encore utiles et intrinsèques à notre culture industrielle. Des bases solides que nous devons savoir préserver et sur lesquelles nous pouvons construire l’avenir.